FIMAV #33 – Jour 1
Un texte de Éloïse Lara Desrochers et Sophie Dufour-Beauséjour
Crédit photo : Martin Morissette
Après-midi / Installations sonores dans l’espace public
C’est déjà le début de l’aventure chyzienne au 33e Festival international de musique actuelle de Victoriaville ! Entre nous, vos chroniqueuses ont peine à croire qu’on y soit enfin. Le beau temps était au rendez-vous jeudi 18 mai 2017 pour notre visite du circuit des installations sonores dans l’espace public. Pour cette huitième mouture, le commissaire aux installations sonores Érick D’Orion a choisi comme thème la Programmation orientée-objet. Les sept oeuvres, accessibles gratuitement, produisent toutes des sons de façon autonome. Les objets qui les composent semblent animés d’une vie qui leur est propre.
On retient l’efficacité de la proposition de Félix-Antoine Morin dans son oeuvre «Stichomythie», installée dans la Vélo-gare. Deux ventilateurs industriels d’environ un mètre de diamètre font face à un arrangement de micros sur pied. Ils s’activent par intermittence et des haut-parleurs transmettent le bruit du vent sur les micros. L’auditoire reçoit à la fois le souffle des machines, leur vrombissement mécanique et la complainte électronique des micros. L’oeuvre nous transporte dans un univers vaste et caverneux où la thématique animiste du circuit se réalise pleinement.
Coup de coeur radiophonique : «Circles : Emanations – Sephirot Transmission» de Gambletron (photo). Une antenne artisanale de trois mètres au squelette en bois est érigée au coeur d’un cercle de dix petites stations radio. L’émetteur central transmet à ces stations le fruit de captations radiophoniques. Chaque radio est surmontée d’un haut-parleur directionnel, tous orientés dans la même direction, qui joue le son reçu. Le tout donne l’impression d’être une station de relais pour ce bruit énigmatique, mais forcément chargé d’information. Encore ici, l’espace est habité par le son.
À voir sur Instagram : «Le pic pierre» Théâtre Rude Ingénierie
20h / BILL COLEMAN, GORDON MONAHAN « Dollhouse »
Dès le début du «Dollhouse» et pour toute la durée du spectacle, il sera difficile de distinguer les sons produits par l’action du danseur Bill Coleman de ceux générés par Gordon Monahan. Autre élément déstabilisant : les lumières qui éclairent le public à son entrée dans la salle sont aussi utilisées pour la mise en scène. En les laissant allumées dans la phase initiale du spectacle et à son dénouement, les artistes créent une rupture inconfortable avec les codes d’un spectacle traditionnel et réduisent la distance entre l’oeuvre et le public.
En première partie, Coleman performe son propre effondrement. Ses mouvements brusques coïncident avec des craquements sonores, alors que Monahan manie les dispositifs électroniques en bordure de scène. Le danseur s’abîme sur les multiples objets qui encombrent son univers jusqu’à ce que celui-ci soit complètement déconstruit. Dans un deuxième temps, les artistes s’efforcent de reconstruire le personnage. Cette tentative se solde par un échec alors que Monahan habille Coleman d’un veston transpercé de flèches et que ce dernier retombe. Dans la troisième et dernière partie du spectacle, un orage émancipateur se lève sur scène. La foule, éclairée brutalement par des projecteurs, assiste à la renaissance du danseur maintenant libéré du poids de ses possessions. Un superbe choix comme spectacle d’ouverture.
22h / COLIN STETSON « Sorrow »
Un de ceux que nous attendions avec grand bonheur n’était nul autre que le saxophoniste montréalais Colin Stetson. Véritable virtuose de son instrument, le musicien nous a offert un solo d’une bonne dizaine de minutes avant de se lancer avec sa troupe dans la réinterprétation de la Symphonie des chants plaintifs du compositeur Henryk Gorecki. Bien que les performances en solo de Colin Stetson nous jettent à tout coup par terre, on peut quand même se demander si c’était le meilleur moment pour cette démonstration de puissance. Le contraste était appuyé entre ce solo et la symphonie dans laquelle nous allions nous plonger («Sorrow»). En effet, celle-ci se décline en trois mouvements qui s’élèvent lentement vers le sublime, au croisement de la musique classique et du post-rock. On vous encourage d’ailleurs chaudement à aller prêter l’oreille à la version enregistrée en studio de cette symphonie réarrangée par Colin Stetson, puisqu’il s’agit d’une oeuvre d’une grande beauté.
Nous avions déjà assisté à une représentation de ce spectacle à Pop-Montréal il y a quelques mois, il est donc impossible de ne pas comparer les deux représentations. Malheureusement, celle présentée dans le cadre du Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville ne nous a pas semblé à la hauteur du travail d’arrangement de Stetson. La panne d’électricité d’une minute ou deux – et donc la perte de toute amplification – en plein milieu du premier mouvement n’aura certainement pas aidé à se mettre dans l’ambiance de « Sorrow ». Pourtant, au-delà de cette panne, il semblait manquer d’unité entre les différentes sections instrumentales. Peut-être était-ce une question de sonorisation? Quoi qu’il en soit, nous en sommes restées sur notre faim. Mention spéciale tout de même à la mezzo-soprano Megan Stetson qui a su élever la mélancolie du spectacle qui nous était offert dès ses premières notes sur scène.
Minuit / KARL LEMIEUX, BJ NILSEN « Unearthed » et « Yujiapu »
Judicieux choix que de placer ces deux courts métrages expérimentaux de Karl Lemieux en début de festival. Cette présentation a permis d’initier l’auditoire au nouveau volet de courts métrages du festival, dont les projections se dérouleront samedi et dimanche à 11h15 et 18h30. Les trames sonores produites par BJ Nilsen appuient avec finesse les films de Lemieux. Alliant drone, musique industrielle et éléments de noise, celles-ci approfondissent avec justesse les thèmes du développement immobilier sauvage («Yujiapu») et de l’industrialisation nocive («Unearthed»).
À lire : En attendant le 33e FIMAV