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Trois suggestions de lecture pour la semaine des familles

par Alex Tremblay Lamarche, le 12 mai 2021 | Chéri-e j’arrive

Depuis 1993, le 15 mai est l’occasion de réfléchir sur le rôle que les familles jouent dans le bien-être des enfants et au sein de la société de manière plus générale. Cette date, que l’Assemblée générale des Nations unies a choisie pour Journée internationale des familles est également au cœur de la Semaine québécoise des familles qui se tient cette année du 10 au 16 mai. Cette initiative souligne cette année l’importance de soutenir les familles pendant la pandémie et, surtout, de continuer à le faire au terme de celle-ci. Afin de réfléchir à l’histoire de la famille et de mieux comprendre le rôle qu’elle a joué au Québec depuis les débuts de la Nouvelle-France, Chéri(e) j’arrive vous propose trois suggestions de lecture sur le sujet.

 

Hubert Charbonneau, dir., Naissance d’une population. Les Français établis au Canada au XVIIe siècle, 2e édition, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2020 (1987), 376 p. 

Le Québec a la chance de disposer de l’une des meilleures bases de données au monde pour connaître l’histoire de ses premières familles. Grâce au Programme de recherche en démographie historique (PRDH), l’ensemble des actes de baptême, de mariage et de sépulture passés au Québec entre 1621 et 1799 ont été rassemblés dans le registre de la population du Québec ancien. Les généalogistes et les chercheurs en démographie historique disposent de ce fait de ressources sans commune mesure ailleurs pour retracer l’histoire des deux premiers siècle de colonisation au Canada. Après avoir été en mesure de mettre au jour plusieurs phénomènes qu’on observe en Nouvelle-France dans des articles scientifiques, les chercheurs du PRDH ont rédigé un premier ouvrage à partir de ces données en 1987. Ledit livre, qui s’est rapidement attiré les éloges en remportant notamment le prestigieux prix Lionel-Groulx, est depuis devenu un classique dont on salue la réédition avec enthousiasme.

Plus de 30 ans après sa parution, Naissance d’une population. Les Français établis au Canada au XVIIe siècle demeure une référence sur l’histoire du peuplement de la Nouvelle-France. Le portrait d’ensemble qui ressort des dizaines de milliers d’actes compilés permet tout à la fois de cerner le profil des pionniers à leur arrivée, les pratiques nuptiales, la fécondité des premiers couples et l’itinéraire individuel et familial des premiers colons. Ce faisant, on est à même de mesurer les ressemblances et les différences entre les Français qui ont traversé l’océan pour s’installer le long du Saint-Laurent et ceux qui sont restés dans la métropole pour y élever leur famille. Si on observe des deux côtés de l’Atlantique une tendance à voir les mariages et les naissances suivre le cycle des saisons et un écart d’âge entre les époux, le déséquilibre des sexes dans la colonie induit des comportements légèrement différents. Les hommes se marient plus tard, les femmes plus tôt (plus de 60% d’entre elles  prennent époux avant d’atteindre 15 ans), les écarts d’âge entre conjoints sont plus grands et les Canadiennes plus nombreuses à devenir veuves (et à se remarier!) que les Françaises.

 

Serge Gagnon, Mariage et famille au temps de Papineau, 2e édition, Québec, Presses de l’université Laval, 2020 (1990), 356 p.

Il faut saluer l’heureuse idée des Presses de l’Université Laval de rééditer en format poche – et donc à petit prix – Mariage et famille au temps de Papineau de l’historien Serge Gagnon. Cet ouvrage, originellement publié en 1990, concluait une trilogie de l’auteur sur la religion et les mœurs des Canadiens de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle. Après nous avoir offert des ouvrages sur la sexualité et la mort, Gagnon nous amenait dans l’intimité de la famille en se plongeant dans la correspondance des prêtres avec les évêques.

On y découvre de ce fait toute une série d’anecdotes intéressantes sur cette époque et, surtout, ce que devait être la famille aux yeux de l’Église et la manière dont certains Canadiens vont tenter de jouer du coude pour s’émanciper de cette norme. Les deux premiers chapitres permettent ainsi d’explorer l’endogamie. Dans une époque où la population n’est pas encore nombreuse et où on se marie bien souvent dans les environs de sa paroisse natale, les mariages entre parents peuvent rapidement devenir problématiques. S’il y eut une certaine tolérance au début de la colonie, l’Église catholique – et en particulier l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis – se fait désormais plus sévère sur la question.

Les chapitres suivants montrent les normes qui pèsent sur la formation des couples. En sus du pouvoir des parents et de l’État, l’Église en exerce un particulièrement important. Vaut donc mieux avoir une preuve de la mort de son époux/se ou de son célibat si l’on est veuf/ve ou immigrant/e et choisir un parti ne présentant pas de disparité de culte si on souhaite convoler en justes noces à cette époque sous peine de se faire mettre des bâtons dans les roues! Vaut également mieux s’assurer de faire un bon choix à une époque où le divorce n’est pas une option comme le rappelle Gagnon dans le dernier chapitre où il expose entre autres les affres de la violence conjugale.

Dans tous les cas, comme le montre Gagnon, certains couples n’hésitent pas à braver les interdictions et à aller se marier aux États-Unis ou devant un ministre protestant. Cela amène donc plus de souplesse de la part des prêtres dans les régions à proximité de la frontière ou dans celles où on observe une pluralité confessionnelle. Un ouvrage accessible qui demeure toujours une référence sur l’histoire de la famille plus de trente ans après sa parution.

 

Louise Michaud, Les familles Bélanger et Dionne : une histoire d’amour à Beauport, Québec, GID, 2019, 168 p.

Le 17 juin 1944, Clovis Bélanger prend pour épouse Lucille Dionne à Beauport. De cette union naîtront plusieurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Leur bru, Louise Michaud, relate dans cet ouvrage leur histoire et celle de leurs proches. Elle puise pour ce faire dans la mémoire de Clovis Bélanger qui, au moment de la parution de l’ouvrage, venait de célébrer son centième anniversaire. Il en résulte un livre qui suit les familles Bélanger et Dionne tout au long du XXe siècle sans pour autant avoir pour ambition de relater la vie de chacun de ses membres.

On y découvre plusieurs anecdotes – principalement tirées de souvenirs de Clovis Bélanger – qui rendent le récit vivant et permettent d’en apprendre plus sur la vie quotidienne d’une famille de la classe moyenne à Beauport au XXe siècle. On y suit les Bélanger et les Dionne au travail, dans leurs loisirs (notamment la baignade dans la rivière Beauport), dans les rassemblements familiaux et en vacances. Comme bon nombre de familles à cette époque, plusieurs membres embrassent la vie religieuse ou décident de se marier pour fonder famille. Il y a donc matière à nourrir les amateurs d’histoire même si on a parfois l’impression d’entrer dans un album photo familial dont les anecdotes et les récits s’adressent plus aux descendants de Clovis Bélanger qu’au grand public. Une meilleure contextualisation de la famille et une recherche plus étayée dans les sources auraient assurément réussi à donner plus d’ampleur au livre. N’empêche, sa publication permet de mettre en valeur une riche collection de photos de famille et de la documenter pour les générations futures. On sait donc gré à Louise Michaud d’avoir mis par écrit cette mémoire familiale même si sa portée demeurera forcément limitée.