Midnight Sun : C D’UNe CANdeur inégalée (Par Ariane Lehoux)
par Ariane Lehoux
C Duncan, il avait déjà gagné tout l’amour d’un public glasgovien avec son premier album Architect et, maintenant, décidément, je crois qu’il aura à se produire en concert hors les frontières de son Royaume-Uni natal. Oui, il sera aussi en Irlande pour deux dates en février… Mais, conquise par la frugale rythmique électronique de son nouvel album The Midnight Sun, je souhaiterais le voir jouer à Québec, soit à La Nef ou encore à la Chapelle du Musée de l’Amérique francophone. Jetez un œil – et vos deux oreilles – à cette quatrième piste de onze, et vous comprendrez pourquoi je songe à une acoustique d’église.
Pianiste et violoncelliste de formation, l’écossais C Duncan offre un second album aussi gracieux et envoûtant que le précédent, passant d’une belle mélodie pop à un son plus électro et complexe. Le synthétiseur y est donc plus que bienvenu! Pour la petite histoire, l’album tient son nom d’un épisode, diffusé en 1961, de la série américaine de science-fiction The Twilight Zone, qui se veut une anthologie d’histoires énigmatiques, en noir et blanc, avec aucun personnage récurrent et au ton pessimiste critiquant en quelque sorte la société de l’époque.
Voilà. Une atmosphère sous tension, du suspense, et la présence de la musique pour rythmer le tout. Une musique qui agit sur l’action tel un personnage. Dans The Midnight Sun de C Duncan, la musique est bien vivante; il y a la voix de l’interprète, les chœurs… et puis la musique qui vient, elle, très délicatement t’agripper par le collet, te retirer tes chaussures et te détacher les cheveux ou le nœud de cravate. Tu en viendras à défier les lois de la physique de Kaluza-Klein en arrivant à te mouvoir dans la cinquième dimension.
Plus que vivante, je dirais que j’y sens les traits d’une musique savante. L’artiste enregistre toujours en autarcie dans le studio qu’il s’est créé chez lui. Pour construire ses morceaux, il ajoute méticuleusement, « à la main », chacun des instruments et chacune des séquences vocales. Je me suis remise à écouter (en boucle) cette semaine du Arthur Russell et j’ai enchaîné sur du C Duncan : la combinaison des deux était parfaite. Sans vouloir faire de faciles comparatifs à la va-vite, j’oserais quand même ajouter qu’il est tout à fait possible de poursuivre sur du Air, Portishead, Grizzly Bear et Peter von Poehl.
Une signature minimaliste pour onze pièces qui forment ensemble une œuvre d’art en soi. Et si vous possédiez l’« objet », voilà que vous auriez le tableau complet. C’est C Duncan qui peint ses propres pochettes. Et là, simplement parce que c’est plus fort que moi (voir les deux couvertures ici-bas) : j’adore que des univers se croisent, visuellement… Mais également, je trouve que les mélodies de C Duncan ont des points communs avec celles d’Oneohtrix Point Never : une inventivité et une jolie intelligence dans les arrangements sonores, une force onirique, en plus d’un caractère aérien et vertigineux, décalé des conventions pop ou électro habituelles, autrement dit à la recherche de nouvelles formes d’expression lyrique.

À droite figure la pochette de R Plus Seven (2013) dudit groupe (une image tirée du film Le ravissement de Frank N. Stein, de Georges Schwizgebel).
Mes pièces favorites, celles qui marqueront mon novembre 2016 à jamais : Nothing More, Wanted To Want It Too et Do I Hear. À l’ouverture de la première, j’ai perçu un petit quelque chose à la Vangélis, dans le genre new age. De la musique relaxante pleine d’optimisme, avec un chœur qu’on ne pourrait se lasser d’entendre! Il y a de quoi être hypnotisé par cet album. Et même avec une pièce comme On Course résolument plus électro, les vibrations harmoniques agissent encore comme une fugue ou une sonate. Par la répétition de certaines sections mélodiques et voix et paroles, nous nous perdons sur la partition. Comme face à une œuvre Op Art!